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15/10/2010

H.B. dit Stendhal

9782070412396.gifStendhal, Le rouge et le noir (Coll. Folio/Gallimard, 2002)

 

Ce livre est une chronique du 19e siècle, tableau de société à travers la noblesse de province, le milieu ecclésiastique et l’aristocratie parisienne dont Julien Sorel pourrait être un (anti-)héros tout à fait actuel. Jugez plutôt : Ambitieux, il aspire à une ascension sociale à travers une carrière militaire, autant qu’au bonheur en amour. Dans les bras de Madame de Rénal, épouse du maire de la ville, devenue sa maîtresse, il s’initie aux intrigues de la bourgeoisie locale. Dénoncé par une lettre anonyme, il quitte Verrières pour le séminaire, où il devient le secrétaire du Marquis de la Mole et l’amant providentiel de sa fille Mathilde, qui, comme sa rivale secrète en amour, Madame de Rénal, est prête à tout pour lui et le conduit à devenir Marquis Sorel de Vernaye, avant que la tragédie et l’opprobre ne retombent sur Julien. Condamné à mort, malgré l’intervention de ses deux maîtresses, il refuse de faire appel et est exécuté. A la fois figure de l’apogée du romantisme et manipulateur sans scrupules, il découvre trop tard les vraies valeurs de sa vie, étouffées par la vanité de ses ambitions. Sous la plume de Stendhal, tout est mis en perspective : La haine de l’absolutisme, l’anticléricalisme et la révolte contre les contraintes sociales. Enfin, tout au long de cette histoire, le sang du crime et de la passion (le rouge) se mêle à celui du deuil et de la mort (le noir). Faites de fascination et de dégoût, sur les arcanes du pouvoir, les interrogations que suscite ce formidable roman demeurent inépuisables.

 

publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures 

12/10/2010

Fatou Diome

Bloc-Notes, 12 octobre / Les Saules 

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Les conditions de vie difficiles des émigrés dans la clandestinité et l'exil, loin des leurs, ont été souvent abordées en littérature, avec leur cortège d'espoirs, leurs rêves d'eldorados improbables, leurs désillusions au fil du temps qui passe. Les victimes, c'étaient eux, débarqués quelque part au sud de l'Italie ou de l'Espagne. Avec Fatou Diome - et sans atténuer le moins du monde leur chemin de croix - l'originalité du récit de Celles qui attendent tient dans l'évocation de ces femmes qui sont restées au pays. Epouses ou mères, réduites à la dépendance, à l'attente incertaine, au silence, au manque d'amour, à la solitude. Elles portaient jusqu'au fond des pupilles des rêves gelés, des fleurs d'espoir flétries et l'angoisse permanente d'un deuil hypothétique; mais quand le rossignol chante, nul ne se doute du poids de son coeur. Longtemps, leur dignité rendit leur fardeau invisible. Tous les suppliciés ne hurlent pas.

Cela se passe sur l'île de Niodior, au large du Sénégal, où l'auteur a vu le jour. Arame vit aux côtés d'un mari aigri qu'elle ne s'est pas choisi, qui pourrait être son père, dont la déchéance physique augmente encore ses rancoeurs: Figés dans la haine, comme deux prisonniers s'accusant réciproquement du même crime, mais condamnés à partager la même cellule. Son amie Bougna, quant à elle, vit très mal son statut de seconde épouse dont la progéniture ne connaît pas la réussite des enfants de la première. Quand le flacon est brisé, seuls les effluves du parfum demeurent. Maintenant que la deuxième épouse avait perdu les appas de sa jeunesse, le mari comprit très vite que sa première était d'une bien meilleure essence. Son tempérament placide en faisait naturellement un refuge idéal pour un homme vieillissant, fatigué des affres de l'amour.

Elles persuadent leurs fils respectifs, Lamine et Issa, que pour leur propre avenir et celui de leurs familles, il leur faut partir en Europe afin de trouver du travail, gagner de l'argent avant de revenir au pays, la réussite au bout de leurs souliers. Ils accueillirent la proposition des deux femmes comme une libération, car chacun d'eux redoutait le fait d'avoir à annoncer un voyage aussi risqué à sa mère. Soulagés et heureux de se savoir ainsi soutenus, leur futur départ pour l'Europe devint leur seul horizon. Pour une durée indéterminée, ils abandonnent ainsi dans l'île leurs épouses, Coumba et Daba...

Chronique sociale autant que portrait de familles attachant qui cerne avec beaucoup de réalisme et parfois d'humour ce coin de terre voué à l'indigence, Celles qui attendent est aussi un réquisitoire contre les méfaits de la polygamie et autres manifestations d'une société à l'africaine, construite par et pour les hommes. Fatou Diome, au passage, règle aussi quelques comptes avec cet ailleurs où l'herbe paraît si verte et plein d'espoir, alors que sans éducation ni instruction, on n'y est rien du tout. Enfin, elle pointe du doigt une certaine mentalité européenne en mal d'exotisme, compréhensive mais condescendante dont la fille de porcelaine avec laquelle Issa débarque un beau jour dans lîle, est la plus détestable illustration. 

Servie par une écriture riche en couleurs qui verse rarement dans l'excès ou la complaisance, Fatou Diome cerne avec ardeur et sincérité ce quotidien des femmes et d'un pays, le Sénégal que, malgré quelques coups de griffes, elle aime tant et lui voudrait une perspective d'avenir plus salutaire. 

Fatou Diome, Celles qui attendent (Flammarion, 2010)

04:37 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/08/2010

Douna Loup

Bloc-Notes, 29 août 2010 / Les Saules

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La forêt est grande, profonde, vibrante, vivante et vivifiante. Elle est quelque chose comme une femme qui voudrait l'homme sans lui dire. Quelque chose qui dit oui sous la robe mais qui s'est perdu dans la bouche, qui devient tendre dans l'humus et vous jette les ronces au visage. La forêt est comme ça, ici. Le sauvage sait y faire. L'attirance qu'elle éprouve à se faire explorer, elle la garde au-dedans, de la sève en puissance qui coule sous la terre, qui monte comme une odeur et vous emballe sur-le-champ. Même le ciel, au-dessus, ne reste pas indifférent. Qu'elle soit froissée après la pluie, comme les femmes qui préfèrent se doucher avant, qu'elle soit bouillante de soleil, comme celles qui brûlent après la porte d'entrée, la forêt, ici, elle ne laisse personne sortir indemne. elle retient un peu de notre substance dans sa rivière profonde. Elle se charge d'enseigner l'ardeur. 

Ainsi commence le roman de Douna Loup, L'embrasure, qui nous raconte l'histoire d'un jeune chasseur pour lequel la forêt est son monde, à lui, à la fois inépuisable - il en découvre les odeurs, les murmures, les couleurs au gré des saisons - et rassurant - il est le chasseur, le maître du jeu et des heures - au point que, hormis auprès de quelques amis qu'il fréquente au café du village ou des femmes de passage, rien d'autre ne l'intéresse, ni personne. Seulement voilà, deux événements vont bousculer le petit monde de cet être frustre, quoique plus complexe qu'il n'y paraît au premier regard. Il découvre un mort dans sa forêt. Un étranger. Que cherchait-il? Qui est-il? Près de son cadavre - son nom est Laurent Martin - il s'empare d'un carnet qui va l'interpeller et le conduire où il n'aurait voulu aller.

Mais notre jeune homme n'est pas au bout de ses surprises, car il va rencontrer une femme peu ordinaire, Eva - Zorah, dans une autre vie qu'elle ne veut raviver - qu'il accepte d'héberger pour la nuit, mais quand il veut s'approcher d'elle, il se voit maintenu de force à l'écart par... un flingue! Pourtant, peu après ce moment de leur rencontre, il sent que la situation lui échappe: Je m'approche, je vois qu'elle a les yeux fermés, j'aimerais la toucher mais je ne peux pas, sa respiration fait comme une brise profonde sous ses omoplates. Je n'ai même plus envie de la prendre ou de la serrer, juste la regarder me met dans une paix formidable et je m'aperçois que je n'ai jamais vu quelqu'un dormir. J'ai vu des femmes abandonnées un moment après l'étreinte. J'ai vu des morts, j'ai vu des bébés dans leurs poussettes, mais je n'ai jamais vu une femme dormir.

Auprès d'Eva qui l'ouvre à une humanité insoupçonnée, tout bascule et s'il se laisse apprivoiser, à son rythme, ce n'est pas sans connaître sur ce délicat parcours les affres de l'angoisse, de la résistance et du doute. La perte de son indépendance, de son territoire, de ses habitudes? Pour Eva, je sens les larmes toutes proches, comme des bombes prêtes à éclater, peut-être parce qu'elle dégage quelque chose comme du sel qui vous fouette le visage, ou parce qu'elle fait voyager de façon inconnue dans les lieux que je connais le mieux au monde.

La lente maturation des êtres touchés par la grâce - cette attirance, cette légèreté, cette élévation impossibles à décrire - nous réserve les plus beaux passages de ce livre qui ne verse à aucun moment dans l'invraisemblable ou l'artificiel: La musique, dans le salon de thé, force le silence à se ramasser en boule dans mon cerveau. Je me réjouis de boire et manger. La nuit passée est comme l'inverse d'une bombe, elle a fait de moi un homme rassemblé en entier. Un bloc. C'est pour cela que mes mots se forcent à être au plus proche d'eux-mêmes avant de sortir tout en vrac, pour ne pas briser l'unité qui résonne dedans. Eva n'a pas peur de mon silence. Elle voit bien mes yeux bafouiller de lumière.

Je suis ébloui par ce premier roman - la plus remarquable découverte de l'année! - dont la beauté du style n’est pas le moindre des mérites. D'une construction irréprochable, servi par une écriture sensuelle jouant habilement de la progression dramatique de ses personnages, il réjouira les amoureux de la langue, de l'intimité et de la nature. 

Le site Internet des éditions du Mercure de France nous apprend que Douna Loup est née en 1982 en Suisse, de parents marionnettistes. Elle passe son enfance et son adolescence dans la Drôme. À dix-huit ans, son Baccalauréat Littéraire en poche, elle part pour six mois à Madagascar en tant que bénévole dans un orphelinat. À son retour elle s'essaye à l'ethnologie, elle nettoie une banque suisse pendant trois mois, garde des enfants durant une année, écrit sa première nouvelle, puis devient mère, et étudie les plantes médicinales. Après avoir vendu des tisanes sur les marchés et obtenu un certificat en Ethno-médecine, elle se consacre pleinement à l'écriture, en même temps qu'à ses deux filles. Elle vit aujourd’hui en Suisse.

Sur Dailymotion - http://www.dailymotion.com/video/xdsjth_douna-loup-l-embrasure_creation - vous pouvez rencontrer l'auteur qui présente son roman et en lit quelques extraits.

Avec Gabriel Nganga Nseka, elle a publié Mopaya, récit d'une traversée du Congo à la Suisse, aux éditions de L'Harmattan, en avril 2010. 

 Douna Loup, L’embrasure (Mercure de France, 2010)

photographie: Stéphane Haskell 

publié dans Le Passe Muraille no 84 - novembre 2010

22/08/2010

Andrew O'Hagan 1a

Bloc-Notes, 22 août / Les Saules 

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Les chiens ont de la chance : ils peuvent s’introduire en toute impunité là où la plupart des humains sont éconduits! Tel est le cas de Maf, au pedigree irréprochable, qui a passé des mains de Vanessa Bell - la soeur aînée de Virginia Woolf - à celles de Natalie Wood, puis de Frank Sinatra, enfin à celles de Marilyn Monroe, aux dernières années de sa vie. Un brin intellectuel et snob – il a hérité du collier de Pinker, la chienne de Vita Sackville-West, compagne de Virginia Woolf à une certaine époque – ce dernier nous entraîne dans un voyage sentimental, amusant et inventif pour tous les amoureux de la vie culturelle américaine. Car il a voix humaine, Maf! Avec un penchant pour la philosophie et la littérature - au fil de quelques passages savoureux consacrés à Aristote, Descartes ou Montaigne - il est un incorrigible optimiste qui, servi par des dialogues souvent désopilants jette sur ce petit monde en pleine mutation un regard tendre et plein de malice. 

Bien sûr, les rencontres les plus illustres de Maf - diminutif de Mafia Honey - gravitent autour de Hollywood, avec une Nathalie Wood qui se fait constamment un film ou Frank Sinatra dépeint comme un crooner frustre, vulgaire, dépourvu de culture et paranoïaque. A son contact, Maf nous réserve les chapitres les plus hilarants de cette histoire. On y croise ainsi Georges Cukor, Ernst Lubitsch, Liliane Gish, Peter Lawford ou John Wayne dont Frankie dresse un portrait peu flatteur: Ca fait trente ans que ce mec est à côté de la plaque. C'est un taré. (...) Je vais te dire, princesse. Ce type enverrait un millier de gars qui valent mieux que lui en prison rien que pour montrer que c'est lui le gros dur qui fait la police en ville. Il brûlerait un millier de livres plutôt que d'avoir à en lire un.

Mais le coeur de ce roman délicieux et sympathique est voué à Marilyn Monroe. Pas de révélations fracassantes sur les circonstances de sa mort ou ses liens avec le clan des Kennedy, car Andrew O'Hagan s'attache surtout à la personnalité intérieure de son idole: Sa solitude, sa tristesse, sa quête du respect des autres, son manque de confiance sur la scène et dans la vie, sa soif de connaissance, son chemin de douleur qui aboutit à un excès de pilules un certain samedi soir. Un tableau attachant et follement drôle à la fois, car de l'humour, elle en n'en manque pas, cette prétendue ravissante idiote... Un très beau moment du roman se déroule devant la tombe de sa meilleure amie, Alice Tuttle, emportée par une crise d'asthme à l'âge de douze ans: Elle passe un moment à caresser l'inscription de la plaque, suivant chaque mot du doigt comme si elle voulait graver quelque chose de personnel dans sa loi d'airain. (...) Marilyn expliqua qu'elle voulait apporter des fleurs, mais qu'elle n'en avait pas, elle toucha la plaque et se toucha la bouche avant de prendre dix dollars dans sa pochette pour les mettre dans un petit vase en verre plein de poussière. L'herbe semblait très verte, comme de l'herbe de cinéma, mais le vent était réel.

Maf survivra à tous ces héros de légende, nimbé de mélancolie et de reconnaissance. Il mourra néanmoins - comme tout le monde, me direz-vous! - auprès de la gouvernante de Marilyn, Mme Murray, le jour de la démission de Richard Nixon.

La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe est le quatrième roman de l'écossais Andrew O'Hagan. Il a déjà publié, en traduction française, Le crépuscule des pères (Flammarion, 2000), Personnalité (Flammarion, 2000) et Sois près de moi (Bourgois, 2008).

Andrew O'Hagan, La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe (Bourgois, 2010)

11:33 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/07/2010

Herman Melville

9782752902665.gifHerman Melville, Moby Dick (Coll. Libretto/Phébus)

Roman d’aventures et méditation sur le sens de la vie, ce roman tragique narre l’épopée d’Achab à bord du baleinier Pequod et sa quête obsessionnelle de la baleine blanche. En mal d’absolu, la perception de la nature humaine de son héros soulève des interrogations très modernes. Pour les amoureux de Melville, la traduction d'Armel Guerne de ce chef-d'oeuvre est un monument indépassable: le traducteur et poète est allé jusqu'à s'initier au parler salé des matelots américains du XIXe siècle et à inventer un français hautement melvillien, puisque le grand romancier aimait à dire qu'il n'écrivait pas en anglais mais en outlandish, la langue du grand Ailleurs...

publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures

08:38 Écrit par Claude Amstutz dans La bibliothèque idéale des vaudois, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/07/2010

Margherita Oggero

9782226177087.gifMargherita Oggero, L'amie américaine (Albin Michel, 2007)

 

Peut-on être à la fois mère de famille, prof de lettres, sous le charme d’un commissaire et fin limier ? Margherita Oggero, avec son second roman policier, répond par l’affirmative avec ce personnage de Camilla Baudino, sorte de Miss Marple turinoise, terriblement sympathique. Proche de l’univers de Donna Leon, on jubile devant son humour, ses dialogues vifs et l’originalité de ses personnages, complexes et ancrés dans l’Italie contemporaine.

06:29 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/05/2010

Denis Arché

9782021005196.gifDenis Arché, Dans la fuite incessante (Seuil, 2010)

Johanna décide de partir, de quitter Frans, son mari, qu'elle n'aime plus. Elle se rend à Berck et y rencontre Eric, un voyageur de commerce auquel elle se présente sous le nom d'Isa, sa meilleure amie et probable maîtresse de Frans. Après plusieurs rencontres, elle lui fait une proposition pour le moins saugrenue: Elle vivra une semaine avec lui et en échange, il lui fera un enfant. Ensuite, ils redeviendront étrangers l'un à l'autre, pour toujours... Banal me direz-vous, mais dans le même temps, Hilda, une serveuse que nos deux protagonistes avaient rencontrée à Ostende, est assassinée... Johanna se persuade qu'elle est morte à sa place. Elle va se recueillir sur sa tombe avant de chercher, dans le passé d'Hilda, un sens à cette tragédie et, qui sait, à sa propre vie.

Ainsi commence cette histoire qui semble avoir été écrite dans la pierre brute, en bordure de mer sous un ciel changeant, indéfinissable, énigmatique. Elle nous entraîne dans un jeu de miroirs - Johanna et Hilda - où la réalité et l'imagination s'entremêlent dans une atmosphère sensible, lourde, aux confins de la folie, proche de l'univers d'un Olivier Adam ou d'un Pierre Péju, ce qui n'est pas un mince compliment pour ce premier roman déroutant qui nous attire dès les premières lignes, dans l'ivresse de ses profondeurs !

 

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/05/2010

Loriano Macchiavelli

9782350850818.gifLoriano Macchiavelli, Une blonde de trop (Bernard Pascuito, 2010)

Franchement, vous en connaissez beaucoup, des sergents qui ressemblent à Sarti Antonio, avec ses colites chroniques provoquées par son supérieur hiérarchique Raimondi Cesare, sa télévision en noir et blanc, sa vieille caisse de la police no 28 conduite par son souffre-douleur, l'agent Felice Cantoni? Non, bien sûr! Sauf que, chez nous, il se serait fait virer! En Italie, en revanche, il est - bien au-delà de Bologne -  aussi célèbre que le pape et soutient la comparaison avec deux autres enquêteurs célèbres: Guido Brunetti créé par Donna Leon et Salvo Montalbano crée par Andrea Camilleri.

Héros de trois autres romans - Les souterrains de Bologne, Bologne ville à vendre et Derrière le paravent - parus aux éditions Métailié, notre Sarti Antonio est confronté à un probable pourvoyeur de drogue, Kim, qui débarque chez son amie, une blonde à moitié nue et manifestement accompagnée, pour y mourir, du sang sur tout le corps. Et pour ajouter une touche poissarde à son enquête, il retrouve chez lui, un peu plus tard, une autre blonde - une cousine, prostituée avec laquelle il entretient des rapports affectueux dans plusieurs épisodes! - et bientôt son ami ténébreux Rosas venant lui livrer un nouveau téléviseur en couleurs. Apparemment, sa porte semble ouverte à tout Bologne... Les dialogues sont percutants, drôles, vifs, et malgré un climat désabusé à l'encontre des politiques et de la hiérarchie policière, la considération humaine prend toujours le dessus, heureusement. Du coup, jugé imprévisible et méfiant, le voilà cantonné au rôle de sergent à vie, mais voudrait-il, Sarti Antonio, qu'il en soit autrement?

30/04/2010

Les écureuils de Central Park - 2

9782226208316.gifKatherine Pancol, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi (Albin Michel, 2010)

On ne présente plus l'auteur de Les yeux jaunes des crocodiles et de La valse lente des tortues qui connaît avec ces deux titres un succès inespéré. Il est vrai que si, au contraire des auteurs traduits, les francophones confondent trop souvent les caractéristiques du roman avec le récit, l'autofiction ou le vécu et négligent la principale vertu du roman qui consiste à savoir raconter une histoire - "une œuvre d’imagination en prose, assez longue qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels et nous fait connaître leur psychologie, leur destin et leurs aventures" (Le Petit Robert) - , on ne peut en faire le reproche à Katherine Pancol.

Jugée avec une relative condescendance par les professionnels du livre qui lui reconnaissent un public - traduisez: un peu nunuche - mais adulée par ses fans de plus en plus nombreux, elle nous embarque pour la troisième et dernière fois semble-t-il dans l'ébouriffant tourbillon de la famille Cortes: Joséphine, Hortense, Shirley, sans oublier Josiane, Marcel ou Philippe, avec de nouveaux personnages - Becca et le jeune homme, par exemple - qui ont leur mot à dire pour infléchir le destin des uns et des autres.

Bien sûr que les esprits chagrins reprocheront à Katherine Pancol ces 852 pages - 200 de plus que ses deux précédents opus - ou une trame un peu prévisible - inévitable à force de côtoyer et de s'attacher aux personnages - mais qu'importe: La magie opère toujours, bienfaisante comme un vent léger qui nous fait respirer à pleins poumons, heureux tout simplement de savourer ces moments de la vie et de partager ce soleil indomptable qui voudrait briller pour tout le monde.

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Katherine Pancol, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/04/2010

Stewart O'Nan

Bloc-Notes, 25 avril / Les Saules

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Dans un village de l’Ohio, Kim, une adolescente de 18 ans, vit sa dernière année de collège et se réjouit de bientôt prendre le large, comme tant de jeunes de son âge. Un beau jour, elle disparaît sans crier gare. Aucun signe, aucune trace de sa disparition, sinon sa voiture abandonnée.

Ainsi commence le dernier roman vertigineux de Stewart O’Nan. Avec un fil narratif somme toute simple, il aurait pu – comme dans Speed Queen - basculer dans le roman noir, ou verser dans le mélodrame. Rien de tout cela chez cet auteur un peu caméléon qui, à chacune de ses créations, s’intéresse à un angle de vision différent pour cerner la réalité qui l’entoure. Ainsi, dans Chanson pour l’absente, c’est l’amour et la tristesse des proches de Kim, renforcées par le vide qu'elle laisse derrière elle, qui occupe le devant de la scène, contrastant avec ce visage d’une Amérique conquérante, qui garde pour la sphère intime ses découragements, ses angoisses ou incompréhensions.

Il nous partage aussi un aspect peu représenté en littérature, celui des démarches répétitives auprès de la communauté, de la police, des commerçants, des amis pour retrouver la jeune fille, avec l’énergie du désespoir qui voudrait donner un sens à sa disparition. Aux côtés de J.P. et Nina, amis de Kim, les personnages les plus bouleversants de cette histoire sont Ed, le père de la disparue qui délaisse son travail, voire sa famille, incapable de rester chez lui à attendre et surtout Lindsay, sa sœur cadette qui, au fil du temps qui passe et sans même réaliser tout à fait ce qui lui arrive, se fait une place au soleil, affirme sa personnalité comme dans un espace laissé vacant par sa sœur. Autre éclairage intéressant que celui des liens familiaux – entre Ed, son épouse Fran et Lindsay - qui se resserrent autour de cette absence qu’on n’ose encore nommer autrement, tandis que la vie, malgré tout, continue...

Contrairement à un thriller qui obéit à d'autres règles d'écriture – cela décevra quelque peu les esprit cartésiens - l'enquête sert ici de prétexte à soulever des questions qui bien souvent demeurent sans réponse, comme dans la vraie vie. Qui donc était Kim ? Après un événement aussi traumatisant, où se situe la frontière qui ouvre à la liberté, à la fin du deuil, sans culpabiliser ni trahir ce trop plein d’amour qui irrigue encore notre mémoire ?

Décliné avec beaucoup de douceur à la manière d'un J.D. Salinger – ainsi que dans cet autre chef d’œuvre, La part des ténèbres – il se dégage de ce roman une profonde humanité, même si la tonalité générale reste sombre, et que si le deuil délivre des incertitudes, il ne console vraiment personne.

Stewart O'Nan, Chanson pour l'absente (Editions de l'Olivier, 2010)

20:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Stewart O'Nan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |